Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/04/2009

La cloche de la vache




Voici un cas original :

"Les époux Z... sont propriétaires à LESCAR (64) d'une maison d'habitation entourée d'un terrain.

Se plaignant d'un trouble anormal de voisinage provoqué par le tintement émis par la cloche apposée sur une vache appartenant à Monsieur X..., exploitant agricole dans cette même commune, ils ont, par acte d'huissier de justice en date du 26 septembre 2001, fait assigner celui-ci devant le Tribunal d'Instance de PAU pour le faire condamner, sur le fondement de l'article 544 du Code Civil, à enlever cette cloche sous astreinte et à réparer le préjudice en résultant.

Par jugement en date du 13 décembre 2001 le Tribunal d'instance de PAU a :

- ordonné à Monsieur X... d'enlever la grosse cloche dite "Esquille" apposée au cou d'une de ses vaches pacageant sur le terrain jouxtant la propriété des époux Z... sous peine d'astreinte de 250 F (soit 38,11 ä) par jour de retard à compter du jour où la demande en sera faite par les demandeurs,

- condamné Monsieur X... à payer aux époux Z... 5.000 F (soit 762,25 ä) au titre du préjudice moral et 3.000 F (soit 457,35 ä) au titre du préjudice d'agrément ainsi que 2.000 F (soit 304,90 ä) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - débouté Monsieur X... de sa demande reconventionnelle,

- condamné Monsieur X... aux dépens.

 

Le 31 décembre 2001 Monsieur X... a régulièrement relevé appel de cette décision.

 

Il demande à la Cour dans ses dernières écritures déposées le 29 novembre 2002 :

 

- à titre principal, vu l'article L112-16 du Code de la Construction, de constater que l'acquisition par les époux Z... de leur immeuble est postérieure au commencement de l'activité agricole de Monsieur X... ;

en conséquence de dire que les éventuels dommages qui leurs sont causés par les nuisances dues à cette activité agricole ne peuvent ouvrir droit à réparation.

- à titre subsidiaire, vu l'article 544 du Code Civil, constater que les époux Z... ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un trouble anormal de voisinage ni de leur préjudice,

- de les débouter en tous les cas de leurs demandes,

- reconventionnellement, de condamner les époux Z... à lui payer la somme de 3.000 EUROS à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive en application de l'article 1382 du Code Civil et la somme de 1.600 EUROS en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- à titre infiniment subsidiaire de réduire dans de très fortes proportions le montant de l'indemnisation qui pourrait leur être allouée.

Il expose que :

- les époux Z... n'ont acquis leur maison que le 9 avril 1998 soit très postérieurement au début de son activité agricole et son troupeau est toujours venu paître dans les mêmes conditions sur le terrain jouxtant la propriété des époux Z... et sans que cela n'occasionne de nuisances aux autres riverains,

- aucun témoignage n'émanant de tiers n'établit qu'il y a eu changement des conditions d'exploitation,

- en revanche, il démontre par plusieurs témoignages qu'il a toujours

utilisé l'aide d'une vache meneuse dotée d'une cloche,

- la preuve de l'intensité du bruit provoqué par la ou les cloches et donc le trouble anormal de voisinage n'est pas rapporté,

- les témoignages produits par les époux Z... émanent soit de leur propre famille soit d'amis très proches et sont donc dépourvus de toute valeur probante,

- la présence d'une cloche au cou de la vache dominante ne relève pas d'une simple fantaisie mais répond à un impératif de sécurité du troupeau.

 

 

Dans leurs dernières écritures déposées le 28 août 2002 les époux Z... demandent à la Cour :

 

- la confirmation du jugement entrepris et le débouté de Monsieur X... de l'intégralité de ses demandes,

- la condamnation de Monsieur X... à leur payer la somme de 2.286,75 EUROS en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Ils soutiennent qu'ils sont obligés depuis plusieurs mois de supporter les nuisances sonores particulièrement élevées et répétitives, provoquées par la ou les cloches apposées par Monsieur X... sur le cou des vaches de son troupeau qui pacagent pendant 12 à 14 heures par jour entre les mois de mai à septembre sur une parcelle de terre voisine de leur propriété, ce qui suscite chez eux un stress permanent et porte atteinte à leur droit de propriété dans la mesure où ils ne peuvent plus jouir paisiblement de leur propriété comme l'attestent deux constats d'huissier établis aux mois d'août 2000 et février 2002.

Sans contester l'antériorité de l'activité agricole de Monsieur X... par rapport à l'acquisition de leur maison d'habitation, ils prétendent que celui-ci en a modifié les conditions d'exploitation en dotant depuis un an sa vache meneuse d'une grosse cloche particulièrement bruyante.

Ils ajoutent que cette grosse cloche n'est pas nécessaire à l'activité économique de Monsieur X... à partir du moment où le troupeau se trouve dans un champ équipé d'une clôture électrique.

 

 

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 février 2003. 

 

DISCUSSION

 

Attendu qu'il résulte des différentes attestations et photographies régulièrement versées aux débats et qu'il n'est pas contesté par les époux Z... que ceux-ci ont acquis leur maison d'habitation le 9 avril 1998 soit postérieurement à l'installation de Monsieur X... comme exploitant agricole dans la commune de LESCAR et que celui-ci faisait, antérieurement à leur acquisition, paître son troupeau de vaches dans le champ jouxtant leur propriété ;

Qu'il résulte également de ces pièces et notamment de l'attestation du maire de la commune en date du 18 février 2002 que Monsieur X..., confronté à la nécessité de faire traverser son troupeau sur la départementale 945 pour le conduire sur le lieu de pacage, a toujours utilisé l'aide d'une vache meneuse du troupeau dotée d'une cloche, cet élément étant indispensable pour apprécier le retour du troupeau et prendre en temps voulu les mesures indispensables à la sécurité ;

Que dans une autre attestation en date du 3 avril 2000, le maire de LESCAR a également précisé qu'à la demande des époux Z..., il a fait intervenir la police municipale pour que cesse le son occasionné

par les cloches de vaches ;

Que le brigadier chef principal de cette police atteste être effectivement intervenu au mois de mars 2000 auprès de Monsieur X... qui dans un premier temps a fait le nécessaire pour retirer les cloches de ses vaches puis qu'au mois de juillet suivant Madame Z... s'est à nouveau plainte ;

Attendu qu'il est également établi par les attestations produites par les époux Z... et par deux constats d'huissier en date des 8 août 2000 et 22 février 2002, qu'une vache du troupeau porte une cloche imposante (20 cm X 20 cm) qui tinte en permanence dès que l'animal bouge et que ce tintement est très clairement perceptible depuis le jardin des époux Z...;

Que ce bruit dure toute la journée du matin jusqu'au soir ;

Attendu qu'il est donc certain que Monsieur X..., antérieurement à l'acquisition des époux Z..., utilisait une cloche nécessaire à son activité économique ;

Attendu que néanmoins, l'utilisation de cette cloche n'est nécessaire que lorsque les vaches se rendent sur leur lieu de pacage et retournent à l'étable mais ne se justifie plus lorsque celles-ci se trouvent dans le champ jouxtant la maison des époux Z... qui se trouve dans une zone résidentielle de la commune de LESCAR, champ dont il n'est pas contesté qu'il est pourvu d'une clôture ;


Qu'il est également établi par les attestations de Monsieur C..., de Madame Régine C... et de Madame Marie-Rose D... et par les constats d'huissier susvisés que Monsieur X... a changé depuis le mois d'août 2000 la taille de la cloche de la vache meneuse la dotant d'une cloche grosse et puissante utilisée généralement en montagne, changeant ainsi les conditions de son exploitation ;


Attendu que le bruit de cette grosse cloche par sa durée et sa répétition est de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage et est constitutif d'un trouble anormal de voisinage qu'il convient de faire cesser non pas en condamnant Monsieur X... à enlever la grosse cloche apposée au cou d'une de ses vaches mais en le condamnant à attacher le battant de cette cloche lorsqu'il les fait pacager dans le champ voisin de la propriété des époux Z..., ce qu'il reconnaît d'ailleurs faire de temps en temps dans un document manuscrit versé aux débats ;


Que cette condamnation sera assortie d'une astreinte de 150 ä par infraction constatée ;

Attendu que sur les dommages-intérêts, la Cour estime au vu des pièces produites que si les époux Z... ont bien subi un préjudice d'agrément, ils n'ont subi aucun préjudice moral du fait du trouble subi ;

Qu'il convient donc de leur allouer seulement en réparation la somme de 762,25 € ;

Attendu qu'il est inéquitable de laisser à la charge des époux Z... la totalité des frais irrépétibles par eux exposés ;

Qu'en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Monsieur X... sera condamné à leur payer la somme de 762,25 €.

 

PAR CES MOTIFS

 

LA COUR

 

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Reçoit Monsieur X... en son appel,

Infirmant la décision déférée et statuant à nouveau,

Condamne Monsieur X... à attacher le battant de la grosse cloche portée par la vache meneuse de son troupeau lorsqu'il le fait pacager dans le champ voisin de la propriété des époux Z... ;

Assortit cette condamnation d'une astreinte de 150 ä par infraction constatée ;

Condamne Monsieur X... à payer aux époux Z... la somme de 762,50 EUROS à titre de dommages-intérêts ;

Condamne Monsieur X... en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à payer aux époux Z... la somme de 762,50 EUROS ;

Rejette comme inutiles ou mal fondées toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;

Condamne Monsieur X... aux entiers dépens de première instance et d'appel et autorise la S.C.P. de GINESTET-DUALE, Avoués, à recouvrer directement ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile."