03/10/2010
Butte artificielle et troubles du voisinage
"Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 21 novembre 1990, présentée pour M. et Mme Y... demeurant ..., par Me X..., avocat ;
M. et Mme Y... demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 20 août 1990, qui n'a fait que partiellement droit à leur demande tendant à ce que la société du canal de Provence soit condamnée à réparer le préjudice résultant du dépôt de matériaux en bordure de leur propriété ;
2°) de condamner la société du canal de Provence à leur verser la somme de 500 000 francs, assortie des intérêts au taux légal, en réparation de ce préjudice, ainsi qu'une somme de 5 000 francs au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 1992 :
- le rapport de M. Gailleton, conseiller ;
- et les conclusions de M. Jouguelet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. et Mme Y... demandent l'augmentation de la somme que le tribunal administratif de Marseille a condamné la société du canal de Provence à leur payer en réparation du préjudice qu'ils subissent dans la jouissance de leur propriété et dans l'exploitation de leurs vignes, en raison de la butte artificielle résultant du dépôt sur une parcelle voisine des déblais générés par les travaux publics réalisés par cette société ; que par la voie du recours incident, la société du canal de Provence demande l'annulation du même jugement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des documents relatifs à l'enquête d'utilité publique et à l'enquête parcellaire joints au dossier, que la réalisation de la branche Marseille Est du Canal de Provence comportait, dans la commune de Trets, l'établissement d'une partie de canal à ciel ouvert, d'une réserve de secours et l'attaque d'une galerie traversant la montagne de Régagnes, ainsi que le dépôt définitif des très importants déblais devant être générés par ces travaux à proximité immédiate de ces ouvrages sur la parcelle BE n° 54 au lieudit Colombe, à acquérir à cette fin par la société du Canal de Provence concessionnaire desdits travaux publics ; que, dans ces conditions, la modification de l'état de ladite parcelle entrainée par le dépôt des déblais qui ont formé la butte litigieuse, d'une dizaine de mètres de hauteur et qui s'étend sur 200 mètres de largeur environ et plusieurs centaines de mètres de longueur, n'est pas détachable des travaux publics réalisés ; que, par voie de conséquence, la responsabilité de la société du Canal de Provence est susceptible d'être engagée, même en l'absence de faute, du fait des dommages causés aux propriétés voisines par le résultat des opérations de dépôt de déblais sur cette parcelle ;
Considérant que la butte ainsi créée a pour effet de réduire la vue et l'ensoleillement dont bénéficiait la propriété des requérants ; qu'il résulte de l'instruction qu'en fixant à 30 000 francs l'indemnité due aux époux Y..., le tribunal administratif a fait une juste évaluation du préjudice direct et certain subi par eux ; que par suite doivent être rejetées tant les conclusions de M. et Mme Y... que les conclusions incidentes de la société du canal de Provence tendant respectivement à la réformation et à l'annulation du jugement attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation de sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que le bien-fondé de ces conclusions doit être apprécié au regard des dispositions applicables à la date du présent arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; que ces dispositions font obstacle à ce que la société du canal de Provence, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. et Mme Y... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1 : La requête de M. et Mme Y... et les conclusions incidentes de la société du canal de Provence sont rejetées."
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