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10/10/2009

Séchoir à fourrage et troubles du voisinage

Meules et Hérons Pique Boeuf.jpg

 

Un arrêt sur les nuisances d'un séchoir à fourrage :


"Par ordonnance en date du 6 juillet 2006, à laquelle la Cour se réfère expressément pour l'exposé des faits et de la procédure, le juge des référés du tribunal de grande instance de Dole a :

- rejeté l'exception d'incompétence ;

- ordonné l'arrêt du séchoir à fourrage appartenant à l'EARL de CHAMPAGNE, dès la signification de l'ordonnance, sous astreinte de 100 €, par jour de retard, et ce jusqu'à l'exécution des travaux d'isolation nécessaires à la mise en conformité de l'installation à la réglementation en vigueur ;

- condamné l'EARL de CHAMPAGNE à payer à la SCI TPFD "les écuries du Mont Rivel", une provision de 500 €, à titre de dommages-intérêts, et la somme de 300 €, en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;

- condamné l'EARL de CHAMPAGNE aux dépens.


L'EARL de CHAMPAGNE a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Elle demande à la Cour de l'infirmer ; de constater que le juge des référés était incompétent au profit du juge du fond ; et de condamner la SCI TPDF à lui payer la somme de 1.000 €, au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
subsidiairement au fond (sic!), de constater l'immunité résultant de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation ; de débouter la SCI TPDF de l'ensemble de ses demandes ; de la condamner à lui payer la somme de 3.000 €, à titre de provision sur dommages-intérêts pour procédure abusive, et la somme de 1.000 €, au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'il existe une contestation sérieuse ; que la preuve de l'existence de troubles anormaux de voisinage n'est pas rapportée ; subsidiairement, que les mesures opérées par la DDASS ne sont pas opérantes, aucune mesure n'ayant été effectuée depuis la réalisation des travaux de bardage.

Elle ajoute que son activité agricole est bien antérieure à l'implantation des "écuries du Mont Rivel" ; que ses propres bâtiments et son activité propre sont conformes aux normes législatives et administratives en vigueur ; que la SCI TPFD n'a pas respecté les prescriptions de son permis de construire.


La SCI TPFD "les écuries du Mont Rivel" et Thomas X..., intervenant volontaire, demandent à la Cour de confirmer l'ordonnance déférée ; de débouter l'EARL de CHAMPAGNE de l'ensemble de ses demandes ; de réformer l'ordonnance sur le montant des dommages-intérêts ; de condamner l'EARL de CHAMPAGNE à payer, à titre provisionnel, à la SCI TPFD : la somme de 10.000 €, à Thomas X... : la somme de 5.000 €, à valoir sur leurs préjudices ; d'ordonner l'exécution provisoire (sic!) ; et de condamner l'EARL de CHAMPAGNE à leur payer la somme de 2.500 €, au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Ils font valoir que le séchoir à fourrage n'a pas été réutilisé depuis le prononcé de l'ordonnance déférée ; que les travaux n'ont pas été réalisés, qu'à tout le moins, la société appelante ne justifie pas de la réalisation de ceux-ci ; que l'existence des nuisances sonores ne fait aucun doute.

Ils ajoutent que l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation exige la conformité de l'activité à la réglementation en vigueur ; que le bruit continu et incessant entraîne stress et nervosité pour les personnes travaillant à l'écurie, pour les cavaliers et les chevaux de concours.


L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 2007.



MOTIFS DE LA DÉCISION


Attendu que l'intervention volontaire à la procédure de Thomas X..., exploitant des locaux appartenant à la SCI intimée, n'est pas discutée ; qu'il convient de la recevoir ;


* Sur la compétence du juge des référés

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 809, alinéa 1er, du nouveau code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Attendu que l'existence d'une contestation sérieuse est sans effet sur l'application des dispositions précitées ;

Attendu que la société intimée et l'intervenant volontaire invoquent l'existence d'un trouble manifestement illicite ;

Attendu que l'ordonnance déférée doit ainsi être confirmée, en ce qu'elle a retenu la compétence du juge des référés ;



* Sur le bien fondé de la mesure sollicitée

Attendu qu'il appartient à la société appelante, qui invoque l'immunité de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation, de démontrer qu'elle exerce son activité en conformité avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ;

Attendu que celle-ci, qui exploite une installation classée pour la protection de l'environnement, n'offre pas de démontrer et ne démontre pas qu'elle exerce son activité conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur ;

Attendu qu'elle n'est pas dès lors fondée à invoquer l'immunité précitée ;

Attendu qu'il résulte d'un rapport établi, en juillet 2005, par la DDASS du département du Jura, que l'EARL de CHAMPAGNE, propriétaire de l'installation de séchage à fourrage, se trouve en infraction par rapport aux articles R. 1336-6 et suivants du code de la santé publique, pour dépassement de l'émergence tolérée ;

Attendu qu'il résulte d'un second rapport établi, en octobre 2006, par la même administration, que dans deux configurations, il y a toujours dépassement de l'émergence tolérée, que dans la troisième configuration, il n'y a pas dépassement de l'émergence tolérée ;

Attendu que le rapport correspondant précise toutefois que cette situation résulte d'un aménagement peu stable, devant être pérennisé, un panneau isolant, constitué d'une plaque en tôle, sur laquelle a été accolée une couche de laine de roche, ayant été placé devant le séchoir, dans la direction de la propriété de la société intimée ;

Attendu que le technicien sanitaire signataire dudit rapport conclut que le respect des dispositions des articles R. 1334-30 et suivants du code de la santé publique impose une pérennisation du dispositif isolant mis en place dans la configuration no3 ;

Attendu que la société appelante n'offre pas de démontrer et ne démontre pas qu'elle a pérennisé le dispositif précité ;

Attendu, en conséquence, que l'ordonnance déférée doit être confirmée, en ce qu'elle a ordonné l'arrêt du séchoir à fourrage appartenant à l'EARL de CHAMPAGNE, jusqu'à l'exécution des travaux d'isolation nécessaires à la mise en conformité de l'installation à la réglementation en vigueur ;


* Sur l'astreinte

Attendu que l'ordonnance déférée n'a pas ordonné la réalisation de travaux, mais ordonné l'arrêt de l'installation génératrice de nuisances sonores ; qu'elle doit dès lors être réformée sur l'astreinte ;

Attendu que l'arrêt du séchoir à fourrage sera ordonné, sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée par huissier de justice, conformément à la méthode dite de contrôle de la norme AFNOR NFS 31010 ;


* Sur les provisions pour dommages-intérêts

Attendu qu'il n'y a pas lieu, à ce stade de la procédure, de faire droit aux demandes en dommages-intérêts, présentées par la SCI TPFD et Thomas X..., même à titre provisionnel ;

Attendu que l'ordonnance déférée sera infirmée sur ce point ; que la société intimée et l'intervenant volontaire seront déboutés de leurs demandes correspondantes ;

Attendu que la procédure engagée par ceux-ci n'est pas abusive ; que la société appelante doit ainsi être déboutée de sa demande provisionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive ;


* Sur les demandes accessoires

Attendu que l'EARL de CHAMPAGNE succombe sur son recours ; qu'il convient de la condamner au paiement de la somme de 1.000 €, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; de la débouter de sa demande correspondante fondée sur les dispositions précitées ; et de la condamner aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP DUMONT-PAUTHIER, avoués ;



PAR CES MOTIFS


La Cour, statuant en audience publique, après débats en audience publique, contradictoirement, et après en avoir délibéré ;


DÉCLARE les appels recevables en la forme ;

DÉCLARE recevable l'intervention volontaire de Thomas X... ;

DIT les appels non fondés ;

CONFIRME l'ordonnance rendue, le 6 juillet 2006, par le juge des référés du tribunal de grande instance de Dole, en ce qu'elle a :

• retenu la compétence de cette juridiction ;

• ordonné l'arrêt du séchoir à fourrage appartenant à l'EARL de CHAMPAGNE, dès la signification de l'ordonnance, jusqu'à l'exécution des travaux d'isolation nécessaires à la mise en conformité de l'installation à la réglementation en vigueur ;

RÉFORME l'ordonnance sur l'astreinte et sur l'allocation de dommages-intérêts ;

Statuant à nouveau ;

DIT que l'arrêt du séchoir à fourrage, jusqu'à l'exécution des travaux de mise en conformité est ordonné sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée par huissier de justice, conformément à la méthode dite de contrôle de la norme AFNOR NFS 31010 ;

DÉBOUTE la SCI TPFD "les écuries du Mont Rivel" de sa demande de dommages-intérêts à titre provisionnel ;

CONFIRME l'ordonnance en ses autres dispositions ;

Y ajoutant ;

CONDAMNE l'EARL de CHAMPAGNE à payer à la SCI TPFD "les écuries du Mont-Rivel" et à Thomas X..., ensemble, la somme de 1.000 € (MILLE EUROS), en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE l'EARL de CHAMPAGNE aux dépens d'appel, avec droit pour la SCP DUMONT-PAUTHIER, avoués, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile."